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cercle 4

4 mai 2009

Chapitre 5

  Chapitre Cinq 

chap5

Le meilleur ami de l'homme.


Le chien ne connaissait pas la haine. La main, qu’elle le caresse ou le batte était pour lui une main, rien de plus. Cinq doigts, une paume, des lignes. Et une chevalière un rien vulgaire comme en portent certains interlopes dans les dancetaria de Buenos Aires.

-Sale bourricot ! Tu as encore pissé partout. Je vais te faire tâter de ma chevalière un rien vulgaire comme en portent certains interlopes dans les dancetaria de Buenos Aires ! fit le misérable maquereau… (voir ch. 1 et 2)

Le chien baissait les oreilles, la queue et tout le reste. De toute sa vie, il ne se rappelait nulle joie, nulle liberté, nul amour. Tout petit déjà, il s’était fait abuser par son père, un superbe dogue allemand vigoureux et un rien agressif.

Le chien, pour l’instant nous le nommerons ainsi, personne sur terre n’ayant pris soin de le nommer autre que batard ou stupide bourricot, accueillit la rouée de coups d’un air las. Il attendait que l’orage passe en espérant que ce ne fut pas le dernier. L’homme, pris d’une tendinite au poignet, relâcha son effort puis cessa tout à fait se raclée. Il fit craquer ses doigts, les 10, pour se détendre, et s’éloigna de la geôle canine, détendu, au moins des doigts, les 10.

Le chien lécha ses plaies. Il redressa le museau et tendit l’oreille (l’autre avait été arrachée par son oncle, un superbe labrador blanc neige nommé « Excelsior »). Il lui sembla entendre une plainte, non loin de là, exactement en direction de la cave à vins. Une plainte ? Ne serait ce pas plutôt un sanglot ? Comme les pleurs d’un enfant ?

chap5a

 

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23 avril 2009

Chapitre 4

Chapitre Quatre

chap4

La ruse de Thérèse.


L’homme avait le visage torve de celui qui ne gagne pas son pain par d’honnêtes procédés.  Il faisait semblant de réparer un filet, assis sur la cabine de son petit bateau de pèche.

-Mon Dieu, cette couperose, cet œil qui ne sait pas regarder franchement, ce bonhomme a tout d’un métèque, maugréa Thérèse, qui avait appris à reconnaitre un bon d’un mauvais français au premier coup d’œil.

Jacques se tenait cambré sur le bord du quai, adossé à une superbe bite d’amarrage, les pieds posés de manière décontracté contre un le gros nœud d’un cordage. Il regardait le vol d’une mouette. Thierry, lui, regardait Jacques qui regardait le ciel étincelant. Il tentait de se débarrasser d’une fiente de goéland qui empêchait ses lunettes de jouer pleinement leur rôle. 

-Ah ça, cet oiseau m’a tout crotté, maugréa t-il également, car c’était la journée où chacun maugréait à son aise.

-Silence, stupide animal, maugréa Dominique, car notre bonhomme a l’air coriace. Il va falloir rivaliser d’ingéniosité.

Jacques sortit tout à trac de son intense réflexion.

-J’ai une idée, s’exclama t-il. 

- Moi, aussi, je répondis Thierry, il faut que je lave mes lunettes !

-Thierry, maugréa Thérèse, combien de fois faudra t il te répéter de ne pas interrompre Jacques lorsqu’il a une idée. Ah ça, je comprends parfois que tes parents t’aient abandonné.

Thierry pleura comme par surprise.

chap4a

Nos trois amis eurent alors tout à loisir d’exposer puis d’affiner leur plan.

-Ah non ! Jamais de la vie, cria Dominique, le garçon manqué.

-Et bien soit, je me sacrifie, s’exclama Thérèse, si cela est pour la bonne cause.

- Oui, dis-toi que la France te regarde.

Thérèse fut un peu gênée par cette idée mais se reprit bientôt. Transfigurée par sa mission, elle fila son bas à l’aide d’une arête de poisson trouvée là. Puis elle marcha comme une de ces filles de nuit qui arpentent le pavé parisien et s’arrêta net devant le bateau de pêche.

-Oh mon Dieu, s’exclama t- elle, quel superbe navire. On jurerait qu’il affrète mille pierres précieuses tellement il brille.

-Ah ça non, jolie mamzelle, meugla le misérable, avec son accent de partout sauf de chez nous.

-J’aimerais tant le visiter, je me régale à l’avance de toucher vos superbes poissons frais.

-Huhuhu ! fit l’homme dans un petit hoquet vicieux.

Thérèse allongea sa jambe et la posa sur l’avant du navire. Une vaguelette, ou pourquoi pas une ruse, la déstabilisa tout à fait et elle se retrouva illico dans les bras d’araignée du marin d’eau douce.

-Il sent la cocotte, maugréa Thérèse dans sa barbe, cet homme là est marin comme je suis contorsionniste à Médrano.

-Holà, jeune fille, vous mi semblez bien verte pour vous livrer à de telles simagrées, dit le misérable dans un geste simiesque.

Jacques qui s’était avec malice, introduit à l’intérieur du navire, attendit quelques secondes. Le temps pour le coquin d’arracher à Thérèse son petit chemisier en tergal offert par sa marraine pour sa communion solennelle.

Celle-ci tenta tout de suite de cacher sa dignité avec ses mains fines et délicates.

-Ah ah, ma jeune amie, poursuivit le malandrin, quand on veut se faire croquer on finit par attirer le loup !

-Bas les pattes, gibier de potence, s’exclama Jacques en lui assénant un rude coup de bouteille sur le haut du crâne.

-Tu aurais pu te dépêcher, maugréa Thérèse.

-C’est que, je voulais voir jusqu’où ce misérable pouvait aller, poursuivit Jacques d’un air malicieux. Dominique, Thierry ! C’est bon, vous pouvez venir, il n’y a plus de danger.

Dominique, avec son pas habituel de garçon manqué, détourna pudiquement le regard, tandis que Thierry glissa sur un poisson. 

-Et bien, Dominique, dit Jacques, c’est le moment de te souvenir du nœud marouflé, car voilà ce que nous allons faire : saucissonner notre bonhomme et le forcer à nous amener sur l’île.

Thérèse serra ses petits bras menus contre son torse avec un air bravache :

-Et bien, sans doute, me prenez- vous pour quelque statue antique, mais je ne compte pas rester ainsi exposée aux vents et aux regards toute la Sainte journée.

Thierry paralysé, un poisson dans la bouche, Dominique, garçon manqué, les yeux fixés sur ses chaussures, ce fut Jacques, qui le premier réagit :

-Tiens, ma brave Thérèse, dit il en ôtant sa chemise bleu ciel, couleur de ses yeux, ainsi tu n’auras plus froid et ne craindra plus les regards de ce misérable.

Disant ceci, il asséna à l’homme à terre un formidable Atémi Kufutamé dans le ventre bientôt  imité en cela par Dominique, qui à mesure que Thérèse se rhabillait, massacrait le malheureux. Thierry riait de toutes ses forces, riait, riait de tellement bon cœur que Jacques fut obligé de le corriger pour le calmer.

-Et bien, mon brave Thierry, penses tu qu’il soit vraiment charitable de se moquer d’un homme qui se fait corriger quand plus est, il est à terre ?

Thierry se calma tout à fait. Jacques courut à l’avant, (« la poupe ») regarder l’horizon riche de promesses et de doutes. Qu’il était beau, ce petit homme, petit par la taille, mais déjà viril par ses attitudes, bombant son court torse vierge de toute toison mais halé par une vie saine au grand air, le regard droit et fier de celui qui ne craint pas le jugement des hommes et le sourire conquérant de celui qui se brosse les dents deux fois par jours. Tout à l’opposé de ce chenapan de Thierry, à l’hygiène bucco dentaire plus que douteuse.

L’homme à terre émit un râle. Dominique allait lui asséner un formidable Nuton Fit rami mais Jacques l’en dissuada :

-N’oublie, ma chère Dominique qu’il faut qu’il vive !

chap4b

Puis il lui fit un clin d’œil appuyé :

-Au moins jusqu’à ce qu’il nous ait indiqué où se trouve l’ile maudite.

Mais Dominique semblait depuis quelques minutes, prise d’une indicible rage. Elle frappait, frappait, et ne s’arrêtait que pour de temps à autre, regarder Thérèse. Thérèse qui semblait s’amuser de ce soudain accès de haine et de violence. Celle-ci ne rechignait pas à l’occasion à user de méthodes musclées. Son père lui avait bien expliqué comment il châtiait les niaquoués en lointaine Indochine.

-Ces gens là ne comprennent que la force, répétait-il plus souvent qu’à son tour.

Jacques qui avait l’étoffe d’un chef fit cesser le massacre.

-Et bien, Dominique, heureusement que ce navire n’est pas chargé d’une gégène, tu n’aurais pas ton pareil pour faire parler les plus récalcitrants.

Il fallut bientôt emmener le pauvre hère, baignant dans son sang, dans la cabine, ficelé comme un rôti du dimanche.

Jacques lui demanda d’un ton menaçant :

-Et bien misérable, vas-tu bien nous indiquer où se trouve l’ile de Mortepeine ?

-Ji ni dirais rien. Répondit l’homme à la peau basanée.

-Ah ça, veux tu donc que je fasse revenir la furie aux cheveux noirs ?

-Ah non, pitié, missié, pas la pitite furie ! Mais je ne peux rien dire… Mi maitres me tiraient aussitôt. Mais dis moi, jeune maitre, comment as-tu deviné qui j’appartinais à la bande di bandits.

-Car pour un marin, tu as de bien curieuses façons de te chausser.

Et il montra du doigt ses chaussures noires et blanches, elles aussi.

-Ah la pitain de sa race, ti ça est la faute de Mario Figatinni ! se lamenta le misérable.

-C’est donc le nom de ton chef, demanda Jacques.

-Non, ci li nom di celui qui a voli tout un stock de li chaussures… la pitain de sa race !

Jacques lui asséna une formidable gifle.

-Sache, mon petit ami, qu’on ne jure pas devant Jacques Le Cœur.

Il le gifla à nouveau :

-Et qu’on n’insulte pas ce qui est de plus noble sur terre : la race.

L’homme baissa les yeux sur ses chaussures. Il avait compris la leçon. Il allait être raisonnable, maintenant.

-Bien, pitit maitre, ji vais ti dire où si trouve l’ile maudite.

Il fit signe à Jacques de se pencher pour lui dire quelque secret à l’oreille :

-L’ile maudite se trouve….

Jacques était suspendu à ses lèvres.

-L’ile se trouve… dans ton cul, sale pitit blanc di merde, que le cul te pèle et que ta race di merde si chie sur les doigts, sale pitit fils di…

Mais il ne put en dire davantage, car déjà, Dominique avait fait son apparition devant la porte de la cabine, la rage aux lèvres, un rictus de mort sur le visage.

Jacques la regarda :

-Il est à toi, Dominique. Je te le laisse. Fais en ce que bon te semble.

17 avril 2009

Chapitre 3

Chapitre Trois

chap3


 De mystérieuses disparitions.


Le brave homme avait le visage clair et franc de l’honnête travailleur de la mer. Ce n’était pas un de ces voyous blanchâtres et malingres que méprisait Thérèse. 

-J’aime encore mieux me faire petite sœur en Afrique noire que côtoyer de tels misérables, répétait elle en toute occasion.

Rien à voir non plus avec ces brutes avinées qui, à peine sortis du sordide atelier d’usine allaient claquer leur pauvre pécule dans quelque bouge infâme…

Non, c’était un homme du sel et du vent, du grand large et des profondeurs, en un mot, un sacré pécheur de bigorneaux. Il s’évertuait à piquer le gastéropode avec son canif quand notre troupe bien connue s’approcha de lui.

-Dites moi, brave homme, lui demanda Jacques avec l’aplomb des hommes de sa race, pourriez vous nous indiquer comment atteindre l’île de Mortepeine ?

-Vindiou, s’exclama l’homme en se grattant sa grande barbe blanche, vous êtes donc ben fatigués de vivre à votre âge !

-Ah ah, pas du tout, il se trouve que nous avons un petit compte à régler avec un kidnappeur de chien.

-Un kidnappeur de chiens ! Ainsi, c’est maintenant le tour de nos braves compagnons à quatre pattes de faire les frais de l’appétit du monstre sanguinaire de Mortepeine, se lamenta t-il.

-Et bien je vais lui montrer de quel bois je me chauffe, moi, ce monstre sanguinaire, s’exclama Dominique, qui décidément n’avait pas froid aux yeux.

Le brave breton toujours prompt à croire en ces sornettes superstitieuses poursuivit :

-Ah ça vindieux, ne confond pas courage et inconscience, ma petite, car il se passe depuis le début de l’été de biens curieux évènements.

chap3a

Thérèse qui n’aimait pas qu’on parle par énigme s’emporta :

-Allez vous cesser vos sornettes et parler le langage de la clarté, pesta t-elle. Nous avons une enquête à mener et n’avons que faire de vos élucubrations, qui, soit dit en passant sont tout à fait typiques de la Bretagne arriérée et empreinte du paganisme le plus archaïque.

Le pécheur, blessé dans on orgueil mais qui savait reconnaitre la voix de la raison écrasa entre ses doigts le malheureux bigorneau. Il baissa les yeux et avoua :

-Vindiou, dit –il en se tartinant une tartine de saindoux, je vais vous dire tout ce que je sais. Les problèmes ont commencé avec la venue d’étrangers.

-je m’en serais douté, triompha Jacques. Combien étaient- ils ?

-Quatre. Vêtus comme l’as de pique à la manière de ces pédérastes qui swinguent en anglais.

-Je vois le genre, ricana Jacques. Et bien, où t’en vas-tu, Dominique ?

En effet, celle-ci marchait déjà en direction du grand large d’un pas décidé, le poing levé.

- Trouver cette troupe de dégénérés et leur exprimer ma façon de penser.

-Ah, notre brave ami a raison Dominique, ne confond pas courage et précipitation. Si nous voulons monter à l’assaut de cette forteresse, il nous fait un plan. Et un bon.

-Soyez prudents, les enfants, recommanda l’homme de la mer, de nombreuses disparitions ont eu lieu. Des enfants. Comme si métèques et fantômes s’étaient entendu pour toucher au cœur notre nation dans ce qu’elle a de plus précieux : sa jeunesse.

chap3b

Thérèse éclata en sanglots en tapant du pied :

-Ah les misérables, je ne supporte pas qu’on fasse du mal aux plus faibles. Jacques, je t’en prie, courons vite à leur secours, fantôme ou pas fantôme.

A peine eut-elle prononcé ces derniers mots qu’une plainte semblant venir de nulle part retentit sur le petit port, bientôt enveloppé de brume.

-Mon Dieu, ce cri me glace les sangs ! Qu’est ce donc ? demanda t-elle.

Le breton, sans doute conditionné par les légendes de bonnes femmes qu’il entendait pendant les veillées de sa jeunesse, porta ses mains à ses oreilles :

-Vindiou ! vindiou, voilà que ça recommence. Mais cela ne cessera t-il donc jamais ? Qu’avons-nous donc fait pour mériter une telle injustice.

Jacques, impressionné, ne laissa rien paraitre.

-Reprenons nos esprits, les amis. Il n’est de mal qui ne se combat ! Affirma t-il crânement, alors qu’au fond de lui, le doute s’immisçait. Mais il se reprit rapidement :

-Alors, le cercle 4 serait-il composé de couards et de lâches ? Le cercle 4 ne saurait –il pas trouver une explication rationnelle à ces mystérieuses disparitions ? Oui, il y a du danger ! Oui, il y a du mystère ! C’est justement parce qu’il y a du danger et du mystère que nous devons reprendre nos esprits, car si nous ne le faisons pas, qui le fera ?

Il regarda la foule de badauds terrorisés qui s’était approchée d’eux :

-Ces braves paysans comptent sur nous. Partout où la Justice et la Raison sont menacées, nous nous devons d’agir. Il porta ses mains en éventail :

-Cercle 4 !

-Cercle 4,, répondirent en écho nos petits amis.

Lorsqu’ils quittèrent le quai, on vit de nombreuses vieilles se signer sur leur passage.

-Dieu les garde, marmonna la mère Le Coadic.

Oui, Dieu les garde. Ils allaient bien en avoir besoin.

Quel mystère nos amis vont ils découvrir?

Comment vont ils aborder sur l'ile maudite?

Les paysans, braves mais rustres, vont ils enfin entrer sur le chemin de la modernité et de la civilisation, renoncer à leurs superstitions stupides, et oublier leur baragouinage débile qu'ils osent nommer langue?

La mère Le Coadic va t-elle enfin faire soigner ses trop nombreuses varices?

Thérèse va t-elle trouver une boutique où ils vendent ces... hum... comment dire... ces petits tubes très absorbants dont ont besoin toutes les femmes modernes et bien de leur temps?

Thierry va t-il enfin digérer?

Vous le saurez en lisant le chapitre 4 des aventures du cercle 4: "La ruse de Thérèse".

Nous avertissons d'ores et déjà nos amis les plus jeunes ou les plus sensibles. Les chapitres 4 et 5 que vous lirez prochainement contiennent des passages particulièrement violents et/ou olé-olé! Alors, ne manquez pas et patati et patata!

10 avril 2009

Chapitre 2

Chapitre Deux

chap2


Une étrange découverte.


Thierry dormait du sommeil du juste. Sans doute, les superbes tourteaux de tantôt n’y étaient pas étrangers, non plus que la goutte du père Kervadec que celui-ci ne manquait jamais de faire gouter à ses hôtes.

-Chic, un canard ! Se réjouissait Thierry.

-Attention à ne pas en abuser, si tu ne veux pas finir comme le père Larmor, souligna Thérèse. Si l’alcool est bon aux travailleurs de force, il est néfaste aux oisifs, ajouta t-elle.

Thérèse aussi s’était assoupie, emmitouflée dans son sac de couchage. Jacques, accroupi au bord de la tente canadienne 4 places, soufflait dans le vieil ocarina que lui avait offert un vieil indien (lire « Le cercle 4 contre le cercle inca »)

Dominique s’était allongée toute habillée, portant aux pieds ses souliers les plus solides. Elle ne parvenait à trouver le sommeil mâchonnant un bâton de réglisse avec la première énergie.

-Cette histoire ne me dit rien qui vaille, songeait-elle, les yeux ouverts dans la nuit noire. Il me tarde que Jacques poursuive son récit afin de savoir de quoi il en retourne.

-Dominique ! Chuchota celui-ci, délaissant pour un temps son vieil ocarina, tu dors ?

-Impossible, répondit Dominique, ton récit m’a par trop aiguisé la curiosité.

-Oui, mais je ne voulais pas inquiéter les autres. Tu sais que Thérèse a l’imagination fertile… quant à Thierry…

-Quant à Thierry ?

-Quant à Thierry, rien. Toujours est-il qu’il vaut mieux ne pas leur dire la vérité pour l’instant…

Un cri soudain retentit au cœur de la tente canadienne :

-Ah ça ! J’en étais sure !

C’était Thérèse, qui, bien loin de dormir avait tout entendu de la conversation. Elle était maintenant tout à fait debout, et les mains bien appuyées sur les hanches, prenait ce petit air têtu que chacun aimait et redoutait à la fois.

-Ah ça ! Jacques une fois de plus fait ses petits mystères. Sache mon petit ami que tu me fais beaucoup de peine.

Jacques avait lâché son vieil ocarina de surprise.

-Car, poursuivit Thérèse, par ton attitude, tu mets en danger la cohésion de notre cercle. Sache que dans un cercle d’amitié comme le notre, tout le monde a sa place, quelque soit sa taille, son poids, ou son… son imagination fertile, comme tu le dis si bien.

Elle poursuivit les lèvres tremblantes :

-Chaque aventure que nous menons, chaque enquête que nous résolvons, nous le devons justement à notre complémentarité, à notre union, qui fait que même Thierry a sa place parmi nous.

-De quoi ? dit celui-ci, émergeant d’un lourd sommeil peuplé d’étranges créatures.

Chacun rit en le voyant ainsi, même Thérèse qui avait enfilé un pull marin offert par son oncle, par-dessus sa chemise de nuit immaculée.

Jacques était songeur. Il songeait à ce que lui avait dit Thérèse. Soudain, il se leva et dit :

-Et bien, ma chère Thérèse, je suis bien obligé de reconnaitre que tu n’as pas tort, et que tu as même raison. Il se leva et se dirigea vers les braises encore fumantes du feu de joie de tout à l’heure et tendit le bras. Ses compagnons le rejoignirent, et tendirent à leur tour leur bras.

-Cercle 4 ! Commença Jacques.

-Je jure de toujours œuvrer pour la justice, poursuivit Thierry.

-Dans la bravoure et la droiture, continua Dominique.

-Pour le Christ et pour nos trois couleurs ! conclut Thérèse.

-Cercle 4 ! S’exclamèrent –ils en chœur.

Jacques fut le premier à rompre le silence qui s’était installé après cet instant solennel et renouvelé à chaque aventure.

-Et bien, mes amis, laissez moi vous raconter ce qui s’est passé la nuit dernière. Comme je vous l’ai dit, un sinistre individu est descendu de la voiture. Ils parlaient à voix basse, craignant sans doute dévoiler quelque plan. Soudain, les voilà qui s’en vont. J’aperçois leurs silhouettes s’éloigner en direction de la voiture. L’un d’eux, habillé comme un de ces maquereaux…

chap2a

-Oh ! s’exclama Thérèse, ce n’est pas une façon de s’exprimer.

-Je te prie de m’excuser, Thérèse, mais ce gars là m’a rendu furax.

-Et bien, quoi, moi j’aime bien les maquereaux du père Kervadec, ajouta Thierry.

-Allons, cessons ces enfantillages et venons-en au fait, s’impatienta Dominique.

-L’un d’eux, disais-je, poursuivit Jaques, portait sur son dos un sac dont le contenu ne bougeait plus guère.

-Le chien, s’exclama Dominique, s’en prendre à un animal sans défense, si je tenais ce misérable.

-Je ne connais guère que l’éléphant qui ne soit pas sans défenses, poursuivit Thierry.

-Allons, Thierry, crois tu réellement que ce soit le moment de plaisanter, le morigéna Thérèse.

-Laisses, dit Jacques, Thierry par son humour sait parfois rendre plus légers des moments graves.  Bien, revenons à nos moutons…

-Qui eux n’ont pas de défenses ! s’exclama Thierry.

-Ah ça, vas tu te taire, satané fantaisiste, ou vas-tu nommer tous les animaux de la crèche, et ceux de l’arche, par-dessus le marché.

chap2b

Thierry se taisait maintenant tout à fait. Jacques reprit son récit :

-Je n’eus que le temps de m’agripper à la roue de secours, tentant de résister du mieux que je pouvais aux assauts des nids de poule et autres imperfections de la route. Soudain, alors que je voyais s’éloigner les reliefs familiers de la cote, un bruit retentit, comme une explosion.

-Les misérables, le chien ! s’exclama Dominique.

-Heureusement non Dominique, lui répondit Jacques. Un pneu avait simplement éclaté, victime du mauvais état de nos routes.

-Il est vrai que ce n’est pas en Allemagne qu’on verrait cela, dit Thérèse, qui avait pour la patrie de Goethe le plus grand respect.

-C’est vrai, Thérèse. En tout cas, me voilà obligé de descendre de mon inconfortable siège de fortune si je ne veux pas être découvert. Je n’ai que le temps de sauter dans un fourré tout proche en priant que ce ne soit un buisson d’orties.

-Je déteste les orties, dit Thierry.

-Et elles te le rendent bien, s’amusa Jacques. L’homme à la mine louche et pour tout dire méditerranéen sortit du véhicule un cric à la main.

-Que le grand cric me croque ! coupa Thierry.

Tout le monde fut d’accord pour attraper ce dernier, lui attacher les mains derrière le dos et lui coller sur la bouche un large morceau de scotch afin que notre héros du jour, ou plutôt de la nuit, puisse terminer son récit.  

-Bien, je reprends. Bien caché dans les fourrés, je vis l’homme aux chaussures noires et blanches démonter le pneu incriminé et le remplacer par mon perchoir provisoire. Je l’entendis distinctement dire :

-A ce train là, nous ne serons jamais à temps au château d’Ingleshire, pour la rançon.

Le père Larmor n’a rien trouvé de plus malin que de répondre :

-Surtout quand ce train là est une automobile.

Thierry malgré le scotch éclata de rire.

-C’est tout ce que j’ai entendu, se désola Jacques. Le château d’ingleshire. Ces misérables avait tôt fait de prendre la poudre d’escampette. Et moi, je n’avais plus qu’à rentrer à pied chez l’oncle Kervadec.

-Pendant que nous nous faisions un sang d’encre, souligna Thérèse.

Dominique, seule, restait silencieuse…

-Le château d’Ingleshire. .. dit elle d’un air mystérieux… n’est ce pas ce nid d’aigle situé sur l’ile de Morte peine ?

-Mort… Mortepeine… bredouilla Thérèse. Thierry lui, avait tout à fait cessé de rire.

-Mortepeine ! Mais oui, tu as raison, ma brave Dominique. Je savais que je connaissais ce nom…

-N’est pas à proximité de cette ile qu’il y a eu de nombreuses disparitions dans la région ? demanda Thérèse.

-Tout à fait, répondit Dominique. Et moi, il ne me fait pas peur ce château, et pas plus que tous les fantômes qu’on dit y habiter. Je suis sure qu’il n’y a pas plus de fantômes sur cette ile que de cheveux sur le caillou du père Kervadec.

-Tu as raison, Dominique, dit Jacques. Je propose que nous y allions tous, dés demain matin.

-Et pourquoi attendre demain matin, affirma Thérèse qui avait maintenant remplacé sa chemise de nuit par un pantalon corsaire beige qui la laissait maitre de tous ses mouvements.

-Tu as raison, Thérèse ! En route, les amis !

Nos compagnons marchaient depuis quelques minutes quand Thérèse porta ses mains

à la bouche :

-Flûte,  nous avons oublié Thierry !

chap2c


31 mars 2009

Chapitre 1

chap1b



Chapitre Un

Parés pour l’aventure !


-Jacques !
-C’est à Jacques !
-C’est pour Jacques ! Jacques ! Jacques !
Les voix portaient loin sur la falaise. Les vagues, la mer, Jacques, devaient entendre.
-Jaaaaaacques !
Thérèse criait le plus fort. Elle ouvrait la bouche en O, et, avec ses mains, faisait porte-voix. C’est que plus que tout autre, elle craignait que Jacques soit mort. Ou pire. Que Jacques ne l’aime plus. Peut être a-t-il dérobé une de ces barques qui s’agitent dans le petit port, et sans se retourner, est-il parti vers l’horizon, sans un regret, sans un remord.  Thérèse s’en voulait. D’ailleurs elle se rongeait les ongles, signe chez elle d’une intense émotion.   
-Salut les filles !
Jacques venait d’apparaitre, au bout du chemin, fidèle à lui-même, les cheveux blonds au vent, un sourire éclatant, superbe de virilité malgré ses dix ans.
-Jacques ! s’exclama Dominique, d’un air de reproche.
-Et bien, Jacques, où étais tu passé, demanda Thierry. Et je te signale au passage que je ne suis pas une fille.
Seule Thérèse ne disait rien. Elle boudait, et sa moue la rendait plus jolie encore. Car Thérèse était jolie. De longs cheveux blonds, un visage fin et halé par de longues vacances dans la maison de l’oncle Kervadec. Bien plus jolie que ce garçon manqué de Dominique. Car Dominique était une fille. Des cheveux coupés au carré, bruns comme des ailes de corbeau, un visage rond et halé également, mais par de longues échappées dans le petit bois derrière le petit pavillon de ses parents.
-Tu nous as fait une sacrée trouille, continua Dominique. Surtout avec toutes les histoires qui se passent dans la région.
Jacques n’avait encore rien dit. Ses yeux brillaient et ses lèvres renfermaient encore un mystérieux secret. Il s’approcha nonchalamment de Thérèse et lui demanda :
-Et bien, Thérèse, tu t’es fait du souci pour moi ?
Thérèse détourna la tête. Ça non, jamais elle ne montrerait son inquiétude.
-Absolument pas, je regardais la mer. J’ai le droit de regarder la mer, tout de même !
-Et bien, en ce cas, tant pis, mon histoire ne va certainement pas t’intéresser.
-Certainement pas ! répondit Thérèse, qui maudissait cet instant et ne souhaitait rien tant qu’entendre ce récit prometteur d’une nouvelle aventure.
-Et bien tant pis, cela intéressera sans doute Thierry et Dominique.
Ceux-ci entouraient déjà le héros du jour, passant qui un bras autour de la taille, l’autre une main sur l’épaule. Ils parlaient à voix basse, prenant les mines de conspirateurs qui avaient le don d’agacer Thérèse.
-Bien, je me rends, soupira celle-ci. Je me suis fait du souci, Jacques, tu es content, à présent ?
-Très ! Triompha celui-ci. Comme cela, notre groupe est au complet. Mon récit ne supporterait aucune absence tant l’affaire est d’importance.
Le groupe formait maintenant un cercle parfait dont Thérèse, Jacques, Dominique et Thierry étaient  autant de maillons d’une chaine indestructible et complice : le cercle 4.
-Et bien, les amis, figurez vous que ce matin, alors que nous dormions tous sous la tente, au fond du jardin de l’oncle Kervadec, j’ai entendu un bruit étrange.
-Un bruit étrange, répéta Thierry, qui aimait bien répéter ce que disait Jacques.
-Oui, un bruit étrange dit Jacques qui aimait bien que Thierry lui fasse répéter plusieurs fois les phases les plus mystérieuses de son récit. Comme une plainte. Ou les pleurs d’un enfant.
-Mais il n’y a pas d’enfant chez tonton Kervadec, souligna Dominique.
-C’est pour cela que je me suis levé, pour voir de quoi il retournait.
-Je ne t’ai pas entendu, dit Thérèse, un peu piquée par le récit.
-C’est que je ne voulais pas que tu t’inquiète, répliqua Jacques. Écoutes la suite, c’est là où l’histoire prend tout son sel.  J’ouvre donc la fermeture éclair de notre canadienne 4 places. En me guidant à la lueur de la lune, je tente de comprendre d’où vient la plainte. Un petit cri m’oriente vers le roncier qui jouxte la cabane du père Larmor.
-Le père Larmor, ah ça, je ne l’aime guère, ce vieux bonhomme !
-Je colle mon oreille contre la planche pourrie qui fait office de mur porteur et j’entends une voix crier :
-Ah ça ! si tu ne te tais pas, tu vas recevoir une telle correction que ton maitre ne va plus te reconnaitre !
Puis j’entends un cri sourd, et soudain je comprends : la plainte que j’ai entendue est celle d’un chien ! Vous le savez, les amis, je ne supporte pas que l’on fasse du mal aux animaux. Je cherche à tâtons une arme d’occasion mais ne trouve qu’un vieux bâton moussu. J’allais bondir sur le misérable quand j’entends distinctement une voiture rouler sur le gravier et s’approcher de la cabane. Une portière claque. Un homme en descend. Je tente à travers un interstice de voir le gaillard : Ses chaussures, voilà tout ce que j’aperçois, mais quelles chaussures ! Vous savez, ces mocassins italiens noirs et blancs comme en portent les brigands napolitains.
-Oui, dit Thérèse, même que maman t
rouve que cela donne mauvais genre à qui les porte.
-Tu ne crois pas si bien dire, Thérèse… car ce que j’ai entendu dépasse l’entendement. Figurez vous que…
Mais Jacques ne peut continuer son récit. L’oncle Kervadec est sur le pas de sa chaumière qui hurle :
-A table les enfants ! Vous allez gouter ma pêche !
-Chic, dit Thierry, ton récit m’a creusé l’appétit.
-Et moi donc, dit Jacques. Et pour rien au monde, je ne louperais la soupe de poisson de ton oncle, Thérèse. Je vous conterais la suite ce soir, à la veillée.
-Chic, car je ne pourrais pas dormir tant que je ne saurais pas ce qu’il est advenu à ce malheureux chien, dit Dominique.
-Tant mieux, dit Jacques, car la nuit promet d’être longue. Puis, il ajouta d’un air mystérieux. Et pensez à prendre vos chaussures de marche. On ne sait jamais.

*

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